Le rire au service de la médecine

I) Observation et expérimentation :

Hypothèse n°1 : Le rire engendre des mécanismes caractéristiques sur notre corps
Nous avons décidé de répondre à cette première hypothèse en deux temps : grâce à nos expériences dans un premier temps, puis grâce à nos recherches afin de compléter nos résultats dans un deuxième temps. Pour nos expériences, nous sommes parties de constats extérieurs et visibles du rire, et nous nous sommes proposé de les comprendre et d'expliquer alors certains mécanismes.  


Nos trois constats :

1) Le rire modifie la voix

2) Le rire nous essoufle

3) Le rire nous rend tout rouge!

Le rire est une réponse réflexe qui se manifeste par une respiration saccadée. Il s'accompagne d'un changement de la voix plus ou moins prononcé et d’une sensation de chaleur (on rougit). Il entraine en plus des mouvements qui concernent en premier lieu la musculature respiratoire et sont accompagnés d'une mimique provoquée par la contraction involontaire des muscles faciaux, provoquant notamment l'ouverture de la bouche. D'autres mouvements plus ou moins contrôlés peuvent accompagner le rire.


1) Le rire et les ondes vocales

Picture
    Le premier constat visible ou audible que nous avons remarqué lors du rire, est le changement de la voix. En effet, lors de ce phénomène, la voix devient de plus en plus aigue, même pour un homme, dont la voix est  naturellement plus grave. Notre voix est un son émis grâce aux cordes vocales,  deux structures fibreuses, tendues, situées dans le larynx. Celles-ci s’ouvrent et se referment très rapidement, laissant passer de l’air ou non : cela crée un son. 
   Un son est une vibration, qui se propage de molécule en molécule sous la forme d’une onde. Cette onde peut se représenter en fréquences (séparées par des périodes, c'est-à-dire le temps qu’il faut à une onde pour réaliser l’événement périodique, qui se répète). La fréquence d’un son est donc le nombre de périodes qu’il réalise en une seconde, notée en Hertz (Hz). Plus la fréquence est importante, plus le son est aigu, et inversement. 
  L’intensité de la voix lorsque l’on rit est plus importante ; cette intensité est caractérisée par la vitesse et l’amplitude de l’onde. De plus, la voix change de hauteur, ce qui se caractérise par sa fréquence.
 L’expérience que nous avons réalisée montre le changement de l’onde sonore émise par les cordes vocales lorsque l’on rit :
Cette expérience nécessite un ordinateur, un micro à enregistrement, ainsi que le logiciel audacity, ou tout autre logiciel d'enregistrement de la fréquence vocale.

Protocole expérimental :

- Préparer le logiciel d’enregistrement de la voix. (Ici audacity)
- Laisser parler une personne pendant 15 secondes, puis provoquer un rire naturel chez cette personne.
- Couper la séquence sur le logiciel et zoomer sur une séquence lorsque le sujet parle (1) ; ainsi qu’une séquence lorsque le sujet parle en riant (2).

Résultats de l’expérience :
Picture
Picture
   On peut observer que la valeur max et la valeur min de la courbe sont beaucoup plus importantes lors du rire. De plus, les périodes sont plus rapides dans le temps.
 Grâce à nos connaissances, on peut affirmer que le rire engendre une intensité de voix plus grande (la voix a plus de force), car l’amplitude est plus grande et la vitesse d’une période dans le temps est plus rapide. De plus, la fréquence est plus importante lorsque l’on rit, car la période est plus petite. (F=1/T).

Picture
 

    Ces résultats confirment donc le changement de voix, qui devient plus aigüe lors d’un rire. Cherchons à quoi cette  transformation est due : on sait que les cordes vocales émettent un son plus grave lorsqu’elles sont épaisses et denses, car elles se déforment moins. Inversement, lorsque les cordes vocales sont fines et étirées, l’air a un espace plus réduit pour passer : le son est donc plus aigu. De plus, selon la quantité d'air que l'on chasse des poumons et selon la pression que l'on y met, le niveau sonore ne sera pas le même. On peut donc penser que le rire engendre un étirement des cordes vocales,  et/ou a un effet caractéristique sur le système respiratoire. On peut faire l’hypothèse que le rire provoque une respiration différente, et ainsi le volume d’air expiré lors du rire est faible, ou libéré par petites séquences : ainsi le volume d’air expulsé est (par séquence) moins important lors du rire, et passe dans un espace restreint entre les cordes vocales. Le son est, en conséquence, plus aigu.

2) Le rire et la respiration

    Ayant remarqué un essoufflement lorsque l’on rit longtemps ainsi qu’une respiration plus saccadée et voulant vérifier les hypothèses avancées dans le paragraphe sur les cordes vocales, nous avons réalisé deux expériences différentes afin d’observer la fréquence respiratoire lors du rire.
    La fréquence respiratoire est le nombre de cycles respiratoires (inspiration et expiration) par minute, mesurés chez d'un individu.  
  
Ces deux expériences nécessitent un ordinateur avec le logiciel Winorphy, un Orphy portable ainsi qu’un masque respiratoire.

                                                                                                EXPERIENCE 1 :

Protocole expérimental:
- brancher le masque respiratoire à l’Orphy portable.
- Mettre le masque au sujet et lancer l’acquisition
Laisser le sujet respirer normalement pendant 15 secondes puis provoquer un rire chez le sujet pendant environ 15 secondes. Après le rire, laisser le sujet respirer à nouveau normalement pendant 15 secondes. Recommencer l’expérience (un rire de 15 secondes +  une récupération de 15 secondes).
- Brancher l’Orphy sur l’ordinateur et lancer le programme Winorphy
Observer la courbe, et éventuellement la transférer dans Regressi afin de l’imprimer.

Résultat de l’expérience :
Picture
Graphique des résultats de l'expériences 1 : f(t)=P
                                                                                                

                                                                                                     EXPERIENCE 2 :


Protocole expérimental :
- Brancher le masque respiratoire à l’Orphy portable
Mettre le masque au sujet et lancer l’acquisition
Laisser le sujet respirer normalement pendant les 5 premières secondes puis provoquer un rire ininterrompu pendant environ 1 minute chez le sujet. Après le rire, laisser le sujet respirer normalement à nouveau pendant 15 secondes.
Brancher l’Orphy sur l’ordinateur et lancer le programme Winorphy
Observer la courbe, et éventuellement la transférer dans Regressi afin de l’imprimer.

Résultat de l’expérience :
Picture
Graphique des résultats de l'expérience 2 : f(t)=P
                                                                                           
                                                                                             INTERPRETATION :

   Les deux graphiques effectués représentent la pression intra-alvéolaire des poumons en fonction du temps : f(t)=P. Ces expériences nous permettent de voir l’évolution de la fréquence respiratoire, ainsi que l’importance du volume d’air expiré/ou inspiré, à chaque expiration/ou inspiration lors du rire. Lorsqu’on inspire, la pression intra-pulmonaire augmente. A l’inverse, lorsqu’on expire, la pression des poumons diminue. Ainsi sur notre graphique,  l’inspiration correspond aux valeurs de pression positive, et l’expiration, aux valeurs de pression négatives (voir sur le graphique).  De plus, lors de l’inspiration, la pression est plus importante lorsque le sujet rit ; au contraire, lors de l’expiration, la pression diminue encore plus qu’au repos.

   Un ensemble inspiration et expiration forme un mouvement respiratoire. Dans l’expérience 1, on peut compter 3 mouvements respiratoires lors du premier temps de repos, puis 5 dans le premier temps de rire.

Les périodes au repos et pendant le rire sont donc distinctes en deux points :

- L’amplitude est plus importante lors du rire (différence des écarts de pression, et il y a plus d’échanges d’air dans les poumons).
- La fréquence respiratoire augmente lors du rire.

Cependant, dans l’expérience 2, dans laquelle la période de rire est plus importante, on peut remarquer que la respiration du sujet est moins régulière que dans l'expérience 1 : en effet, parfois le sujet inspire successivement et rapidement; en revanche, il inspire moins mais de façon plus intensive. De plus, parfois, la fréquence augmente, alors que le sujet rit. (45’’ à 60’’). 

                                                                                                   CONCLUSION :

   Les deux expériences menées précédemment nous permettent d’observer la modification de la respiration lors du rire. L’augmentation de l’amplitude traduit l’augmentation de l’échange  respiratoire lors du rire : les écarts de pression par rapport au repos induisent une augmentation de l’air inspiré, puis expiré. De plus, on a observé que la fréquence respiratoire augmentait, ce qui montre que cet échange plus important d’air est fait en plus de temps : c’est de là que provient l’essoufflement lorsque l’on rit (la quantité d'air inspiré pour une inspiration est moins importante que la quantité d'air expiré en une expiration ; c'est pourquoi pour combler la forte quantité d'air expiré, le sujet inspire successivement et plus longtemps, presque sans expirer). 
   Les temps respiratoires sont aussi différents : l’inspiration est beaucoup plus ample et plus profonde qu'au repos,  alors que l’expiration correspondante se fait de façon moins fréquente, mais beaucoup plus prolongée et plus intense que l'inspiration. De plus, nous pouvons confirmer l’hypothèse par rapport aux cordes vocales : le volume d’air expulsé lors du rire est expulsé de façon saccadée, en courtes séquences, le son de chacune de ses séquences est donc plus aigu, car il y moins de volume dans chaque séquence. Les deux cordes vocales sont proches, ainsi le son émis est aigu.

Lors du rire, notre respiration est totalement modifiée : on respire plus profondément, mais aussi plus vite, et les expirations sont intenses.
 

3) Le rire et le système cardio-vasculaire

    La troisième caractéristique que nous avons relevée lors du rire est un rougissement des joues et un sentiment de chaleur. Le rougissement correspond à un afflux de sang au niveau de la peau, plus important que la normale. De plus, les vaisseaux sanguins se dilatent, pour pouvoir suivre le rythme cardiaque qui s’accélère. Nous savons que les vaisseaux du visage sont proches de la peau, c’est pourquoi nos joues prennent cette couleur pourpre. Le rougissement du visage est donc provoqué par une augmentation du rythme cardiaque. Nous pouvons  donc supposer que le rire engendre une augmentation de la fréquence cardiaque.

 Le cœur est un organe, ou plus précisément un muscle creux qui fonctionne de façon autonome et qui permet la circulation sanguine, grâce à ses battements. La fréquence cardiaque se définit par le nombre de battements du cœur par minute. Au repos, elle est en moyenne d’environ 70 battements/minute chez l'Homme. D'une façon générale, la fréquence est liée au nombre de contractions cardiaques par minute. Elle est synonyme de rythme cardiaque.

    Afin de prouver que le rire augmenterait la fréquence cardiaque, nous nous sommes rendues dans un service hospitalier afin de pouvoir enregistrer les fréquences cardiaques de 5 patients (P1 à P5) dans 4 phases différentes.
L'expérience pour enregistrer la fréquence cardiaque nécessite un électrocardiographe, et un électrocardioscope présent dans les hôpitaux.

  L'électrocardiographie (ECG) est une représentation graphique du
potentiel électrique qui commande l'activité musculaire du cœur. Ce potentiel est recueilli par des électrodes à la surface de la peau.
  L'électrocardiogramme est le tracé papier de l'activité électrique dans le cœur.
  L'électrocardiographe est l'appareil permettant de faire un électrocardiogramme. L'électrocardioscope, ou scope, est un appareil affichant le tracé sur un écran.


Protocole expérimental :

Afin d’enregistrer les fréquences cardiaques sur les 5 patient, nous avons préalablement expliqué aux patients notre expérience, puis avons demandé au personnel médical d’installer le scope sur chaque patient (appareil médical permettant de contrôler de façon continue la fréquence cardiaque).

- Laisser chaque patient environ 30 secondes dans un état normal (respiration calme, ne pas bouger, ne pas parler…)
- Provoquer un rire chez chaque patient.
- Les laisser retrouver leur état initial après le rire (environ 30 secondes en moyenne).
- Relever, à chaque période, et pour chaque patient, la fréquence cardiaque moyenne affichée sur le scope
.

Résultats de l’expérience :
 
Picture
Tableau des différentes fréquences cardiaques pendant trois phases : avant, pendant et après le rire
Picture

Picture
    Les différentes fréquences enregistrées ont pu être visualisées dans un graphique. Celui-ci nous témoigne de l’élévation de la fréquence cardiaque plus ou moins significative dans chacun des cas. Après le rire, dans la phase post rire, on peut voir que le rythme cardiaque diminue durablement, jusqu’à une fréquence plus basse que celle du repos. Enfin, au bout de quelques instants, on observe un retour à la normale de la fréquence cardiaque.

   De plus, afin d’illustrer un peu mieux ce phénomène, nous voulions utiliser l'ECG (tracé papier de l'activité électrique du coeur) résultant de l'expérience, de ses patients pendant les différentes phases. L’opération s’est révélée impossible étant donné la précision des appareils médicaux à électrocardiogramme. (Il y a 10 électrodes placées lors de l’ECG, et 6 dérivations assez proches représentées sur la feuille d’ECG.)  Les périodes représentant les battements du cœur étaient donc trop rapprochées, (voir entrecroisées) ce qui ne rendait pas l’ECG très représentatif du phénomène étudié. Cependant, nous avons quand même tenu à réaliser un ECG représentatif de notre phénomène, c’est pourquoi nous l’avons représenté avec une seule dérivation (au lieu de 6), à partir de nos données de fréquences cardiaques, et notre réflexion sur le sujet.


   Nous nous sommes basées sur un ECG lorsque la fréquence cardiaque est normale, et nous nous sommes rendu compte que chaque période correspondait à un battement de cœur. (Systole auriculaire, puis systole ventriculaire, et enfin diastole). La première variation P correspond donc  à la contraction des oreillettes et à l’éjection du sang vers les ventricules. Le complexe QRS correspond à la contraction des ventricules et à l’expulsion du sang vers le système circulatoire. Et enfin la variation T correspond au relâchement du cœur, lorsque ses cavités se remplissent à nouveau de sang.

Nous avons vu que lors du rire la fréquence cardiaque, donc les battements du cœur augmentaient, puis diminuaient pour atteindre une fréquence inférieure à celle du repos. Ainsi, dans notre ECG à une dérivation, nous avons représenté les mêmes variations : l’ensemble « PQRST » qui forme un battement de cœur se renouvèle plus lors du rire, et est plus long à se renouveler dans la période post-rire par rapport au repos.

Picture
Représentation d'un ECG à une dérivation avant, pendant et après le rire

                                                                                                  CONCLUSION :

   Grâce à nos expériences, nous pouvons observer que lorsque le sujet rit, le rythme cardiaque augmente de façon soudaine ; c’est pourquoi notre visage rougit et nous avons une impression de chaleur (la température corporelle peut grimper d’un demi-degré). De plus, nous savons que si la fréquence cardiaque augmente, les artères se relâchent et le calibre des vaisseaux sanguins augmente, ce qui provoque la diminution de la pression artérielle. Notre hypothèse est donc vérifiée.
De plus nous avons pu constater que le rythme cardiaque diminue durablement jusqu'à  atteindre une fréquence inférieure à celle observée au repos. 

« Vingt secondes de rire peuvent doubler votre rythme cardiaque pendant maximum cinq minutes ; cela correspond à trois minutes passées sur une machine à ramer. »

Les trois expériences réalisées ci-dessus, confirment notre première hypothèse :
Le rire a des conséquences sur notre organisme (de plus, des signes visibles découlent directement de ces mécanismes internes).  Vous trouverez ci-après, dans le chapitre II, les autres mécanismes déclenchés par le rire, expliqués et détaillés suite à nos recherches documentaires.